Adopte un mari, en Corée

...Ou plutôt, loue-le. C'est qu'un site coréen propose à un public de femmes trentenaires et non-mariées mais avec des obligations sociales. Le procédé pourrait être vu comme une version conjugale d' « Adopte un mec », sauf qu'il est le révélateur de l'impossible quadrature du cercle des femmes actives prises entre carrière et stigmates sociaux avec très, très peu de marge de manœuvre.
Le mari, cette espèce rare...
En Corée, l'équation est simple mais implacable : peu d'aides sociales, le cout démentiel des études pour chaque enfant et un plafond de verre des plus épais pour les femmes souhaitant faire carrière placent celles-ci dans une situation infernale où avoir mari, enfant et travail relève du parcours du combattant. Surtout passé trente ans, âge auquel elles sont considérées comme étant à la limite de la date de péremption sur le marché du mariage.
Dans ce contexte, un service tel que celui proposé par Shusband.com, soit la location de mari (à raison de 50,000 wons, soit 35 euros pour deux-trois heures) a toute sa place auprès d'un public de femmes aisées, dont le célibat est devenu problématique, d'abord à titre personnel, mais aussi en termes d'ascension sociale. Il joue donc sur le double besoin de combler la solitude et de donner un sentiment d'adéquation à la société.
...mais ultra valorisée
Car malgré la fécondité plus que poussive du pays (la main d'oeuvre sera une des plus vieilles des pays de l'OCDE en 2050), la conjugalité et le mariage restent la clé de voute de la société.
En dehors de ma propre famille, lorsque je suis en Corée, j'appellerai une femme de l'âge de ma mère « maman », mes amis plus âgées sont des « Unnis », soit des grandes sœurs. Si votre mec est plus âgé, vous pouvez l'appeler « Oppa » (« grand frère », oui, ca fait tout drôle). La cellule familiale est la version miniature des rapports sociaux.
Ce que propose Shusband, ce n'est pas un site d'escorts ou une femme trentenaire ou quadra va venir s'afficher au bras d'un beau jeune homme pour rendre ses copines vertes et montrer qu'elle profite de la vie, mais bien exhiber un « légitime » crédible.
Pendant que nous débattons de savoir si tout le monde doit se marier, sans que le mariage soit cette pierre angulaire et ce modèle auquel il faut se conformer, la pression est assez lourde en Corée. Le premier avatar de culture populaire nationale avec lequel je fus en contact est d'ailleurs un programme de télé réalité intitulé « We Got Married », dans lequel des célébrités sont époux « virtuels » et vivent à l'écran comme un vrai couple (excepté le devoir conjugal, bien évidemment). Ce n'est pas que l'on vous rappelle constamment qu'il va falloir vous marier, mais un peu quand même.

Lorsque certains dénoncent la marchandisation de l'institution à travers de tels services, celui-ci est surtout révélateur de la situation dans laquelle se retrouvent les femmes qui ont des ambitions professionnelles et qui doivent se conformer à un modèle devenu trop pesant.
...Dans la catégorie des anecdotes plus légères, Shusband propose aussi aux expatriés de louer un animal de compagnie le temps de la durée de leur séjour en Corée. La pérennisation du temporaire, en somme.